1 LETTRE DE LA REINE, A L’EMPEREUR. Preuves de son attachement actuel k la consti» tution. A Promesses satisfaisantes dMlever le Prince»» Royal selon les principes de la constitution f et de se montrer toujours la mère dé tous le#' Français. Invitation de sa part , à Pempereuf y ne poînii se mêler des affaires de France. e,i pRiiitÉ L £ repos et le bonhettf âe 1» neâctn françdse, b satisfaction du roi mon dpouÉ ^na tnn(}ttiUitd ÆJhe exi^riie ^ sebsîbilité une âme des plus atmahtés j fûreiît: la soùrce de tous les maux que ( personnelle , la voix impérieuse de mâ propre conscience, tels sont les motifs pressans qui m’engagent ^ vous e'crire. Vous trouverez cette lettre bien dibérènte dè celles que je vous ai précédemment fait passer. Le contraste en est frappant sam d,oute^ aussi frappant que la situa- tion actuelle de la France diffère de celle où elle fut pendant- trois années. Je suis , mon frère, dans un pays de merveilles; les caractères et les opinions y sont bouleversées aussi promptement que les choses. Les évènemens s’y succèdent avec une ramdité xtonnaiite. ‘ N’attribuez pas , je vous prie , mon changement à-k versatilité qui règne sur le sol que j’habite , et <^i sur-tout fait la ba^e du caractère de presque toutes les personnes de mon sexe. J’en: ai toute la sensibilité ; mais j’y joins toute la vigueur et l’énergie du vtee ; et lorsque je une ré^ solution que je crois sage , elle est ferme et iné-, branlable comme je desire qiie le soit le trône que vous occupez. Quelques mots d’explication suffiront, mon frère , pour vous mettre k pàr|ée de^ ^lig^r de ma conduite et présente et passée. Il me fau- dra vous tracer des évènemens désastreux; ils me rappelleront des souvenirs bien cruels souvenirs affreux , qui déchirent encore mon cœur! . . , n’importe, il le faut pour ma justi- ficationl (3) j’endurai pendant si long-tems. Je crus quetout^ ce qui m’erttourait , que ceux qui, m’approcliâiit dé plus près, étaient à même de me témoi- gner plus d’attachement , je pensai , dis - je , qu’ils m’aimaient plus pour moi-même que pour le rang où j’étais placée. Telle était mon errreur , 6 mon frère, que j’imaginai qu’on chérissait ma personne, et non pas la faveur et .lés. grâces que Je pouvais accorder. La trahison et l’intrigué me suivaient par-tout. J’étais ehvironnée des pièges de la séduction. Sans guide-ét 'sans ex- périence , que pouvais-je contre tant de pervers qui ne voulaient que me tromper. J’avais besoin d’aimer , je crus devoir payer leur feint atta-^ chement par tout celui dont j’étais capable. Je leur accordai la confiance la plus entière. Je n’écou- tai plus que leurs perfides conseils , et ces créaturès avides furent comblées de mes bien- faits. Bientôt ils parvinrent à me jetter dans des deV penses excessives. Leur insatiable cupidite'^ né pouvait être assouvie ; toutes ces prodigalités réunies aux déprédations des ministres stellion- naires furent la cause d’un déficit énoime dans les, coffres du roi ^ et ce déficit occasionna lui- même la révolution. le premier instant.de l’insurrection des Pari- siens, fut l’époque de la fuite honteuse de ces traîtres et vils courtisans. Ils m’avaient plongée dans un abîme de maux , et ces lâches m’afiah- craignirent qliel- exécutions pdpu- A Z donnèrent sans pitié , dès qu’ils ques dangers pour* eux,- Les ( 4> lair|^s cxercées^ contre quelques-uns des leurs à jPari*:, les fireqt trembler pour eux.mêmes, et sç squstr^re sort qu’ils crurent qu’on leur réservait. Cependant, ils avaient laissé auprès de moi plusieurs do leurs créatures les plus affidées -, ces agens du crime affectèrent de compatir à mon sort, ils feignirent l’attendrissement sur les mal- heurs qu’ils voyaient , disaient-ils , ptéts à fondre sur ma tête. Ds me représentaient continuellement les excès auxquels pouvaient se porter les Parisiens rcVo/rér, Mais ils devaient me défendre jujqu’à la mort , me faire un bouclier deleuts corps , si on osait... Que vous dirai-je , ô mon frère ! votre sœur in- fortunée , intimidée par les discours de ces per- fides , leur accorda toute sa confiance et n’écouta plus qu’eux. On inventa les calomnies les plus attroces pour m’indisposer contre le peuple , et "" contre la révolution qu’il venait d’opérer. On me peignait l’assemblée nationale comme un rassemblement de factieux , d’usurpateurs , qui voulaient heiaire de mon époux qu’un fantôme de roi, en lui enlevant les plus belles pi éroga- tives de sa couronne. On irritait également le peuple contre moi par des mensonges abominabies. On me prêtait les discours les plus atroces. Je voulais, disait- on , V er er le sang du dernier des Parisiens , ré- duire le ir ville ert^cendres. Le dirai-je, ômon frcie l on m’attribuait le& aciiom des personnes de 6 mon sexe les plus avilies..,.* Ma plume se refuse à tracer de pareilles horreurs ! et on me les répétait ahn de m’exciter à la vengeance , et alimenter la haine qu’on était parvenu à m’inspirer contre la nation française. Sur la surface entière du globe existe-t-il un être qui, plus que moi,- eut pu ré- sister à des manœuvres aussi exécrables. Dés cet instant, je l’avoue, j’adhérai à tous les complots formés contre la constitution. Que de projets ne me présenta-t-on pas. Mais je jure sur tout ce qu’il y a^Je plus sacré, que jamais je ne voulus adopter aucun de ceux qui auraient pu entraîner à i’effusion du sang. Et malgré les re- présentations de tous Ceux qui damaient ces complots , cette crainte de vepSilM? le sang , qui répugnait à ma sensibilité , est peut-être la seule cause qu’aucun de ces plans ne fut mis à exé- cution. , . V Arrive enfin l’époque désastreuse des Ç et é octobre, époque fatale oîi j’ai vu dés scélérats, soudoyés sans doute par des traîtres, se livrer à des horreurs qui me font encore frémir. Mes gardes massacrés V moi- même poursuivie..... Ah mon frère! je suis forcée de m’interrompre. Mon sang glacé se fige sur mofi cœur navré par ces souvenirs cruels. , _ Ne croyez pas que ,Ge'soitIe peuple qui ait commis eés exécrables excès j oii voulait me le faire croire , pour m’exciter à tout , pour m’en- courager aux crimes qu’on voulait , commettre. On voulait que la crainte me fit prendre la fuite. Eh I que ne voulaiî-on pas J . . . Un génie tuté- laire m’a pré ervée, m’a sauvée du gouflre épouvantable' pi éi à m’engloutir. Non, mon frétée, tous ces excès ne doivent point être attribués au peuple français. On peut l’égarer, mais ûr n’est point féroce et sangui- naire , mais il est généreux et compatissant. Hésita-t-il à sauver la vie k mes gardes qui étaient en sa puissance , lorsque M. la Fayette au nom du roi , mon époux , demanda' grâce pour eux l Mais on se garda bien alors de me faire faire ces réflexions. Leur but aurait été manqué. - ' ■ Je fus conduite a ParPÇ et j’y étais libre , mon frère , quoiqu’on ait voulu faire croire que toute la famille royale y était prisonnière. On continua a m’obséder des mêmes discours contre le peuple , contre l’assçmblée nationale , et la constitution qu’elle faisait. Je persistai k me laisser diriger par des mêmes conseils jus’qu’k la funeste époque de notre départ pour Mont- Oh 1 ce fut bien alors que je me crus perdue y lorsque nous fûmes arrêtés k Varennes. Je sup- portai avec horreur l’idée qu’on allait me re- conduire a Paris. Il n’èst rien que je n’eûssè sacrifié pour éviter de revenir dans la capitale. Les commissaires envoyés par l’assemblée na- tionale parvinrent k calmer un peu mes inquié- tudes. ' ■ >' Arrivée au château des Thuileries, je repassai dans m^ mémoire tous les évènemens qui m’é- taient arrivés depuis trois années. Ces réflexions me conduisirent naturellement k periîer q^e je m’étais attiré tous ces malheurs par mont oppo- sition au -parti de l'a révolution. Je pensai, dis- je , que si je favorisais la constitution , que si (.7? / ^ je me tournais de bonne foi du côté du peupîe^^ je pourrais encore voir luire pour moi l’aurore du bonheur. Je me fis apporter. le recueil de tous (es .décrets constitutionnels , je les lus avec la plus grande attention. Jugez de ma surprise , 9 mon frère, lorsque je vis que ce code de loix nouvelles , que j’avais jugées usurpatrices des droits du roi ^ ne diminuaient rien de. l’autorité royale , et qu’elles pouvaient faire le bien de la nation- française. Oh, combien je regrettai de ne m’etre pas instruite plutôt combien je me, reprochai les erreurs.oii je m’étais presque volon- tairement plongée. Dès cet instant mon parti fut invariablemei t pris., je résolus de réparer le mal qu’avait causé mon ignorance , et bientôt le roi fut. décidé a accepter la constitution. II l’a acceptée lib|-emeiit et de bonne foi mon frère, et je serai toujours la première à lui rappeller le sermqnt-qii^iLa fait., de la mainte- nir au-dedans , et de la .protéger contre lés ât-, teintes du dehors, .. L’accueil Jbien flatteur que me fait le peuple lorsque je parais en public, méfait voir. que, ce, n’était pas sans ^retour que j’avais perdu soa estime et son attachement. Je veux tout, faire pour les mériter de plus en plus. Je ne veu^ plus m’occupper que des devoirs sacrés^'de bonne épouse et de mère tendre. Je veux enfin être celle de tous les français, et sur-tout des mal- heureux , qui jamais n’imploreront envain mes secours. Je m’occuperar constamment k. iOTïlqüef k mon fih les principes qui dérivent 4e la pQÙ^j^eJJie; constitution. Je lui apprendyài 4e bonne heure k tespectër les lois qui doivent faire le bonheur du peuple qu’il doit gouverner un jour. Je veux , en un mot , lui apprendre à être homme avant que d’être roi. Tels sont y mon frère , mes vrais sen- timens. Ôubliet tout ce que j’ai pu vous dire de con- traire daiis un instant d’erreur y sur lequel je veux passer l’éponge de l’oubli. Si, dans un autre temps, je desirai vous voir interposer votre pouvoir entre le roi mon époux , et le peuple français ÿ aujourd’hui, mon frère, je vous engage instamment , par l’amitié que vous m’avéx toujours témoigné, k cesser k toute médiation , et généralement a tout acte qui ten- drait kvous immiscer dans les affaires de France, Les intérêts du roi et de la nation étant les mêmes. On ne peut être ennemi de l’un sans l’être égale- ment de l’autre. J’ai cru devoir entrer dans tous les détails con- tenus dans cette lettre pour ma justification , et pour éviter les reproches que vous pourriei me faire sur mon changement de conduite et d’opinion. Votre affectionnée smur, MARIE.ANTOINETTE reine des Français. De l’Imprimerie de Granjon, rue Samt* Germain»!’ Auxerois 9 ÿS* 0'^ i ;,v %‘'lr ' ' PîV/j 1 m ..